Tamega Avocat

Partenariats (PPP) et environnement

Par Paly TAMEGA – Universite Versailles-Saint-Quentin – Promotion 2008-2009 – Juriste

L’INTÉGRATION DES CONSIDÉRATIONS ENVIRONNEMENTALES DANS LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ (PPP)

Il y a urgence! Dans un contexte de crise mondiale, la France et l’Europe se sont fixées comme objectifs de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de développer les énergies renouvelables à hauteur et d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments.

La prise de conscience générale de la nécessité de mieux maîtriser l’avenir de notre planète se combine avec la recherche de solutions environnementales performantes.

A l’instar de nombreux domaines, le PPP n’échappe pas à cette réflexion générale.
L’action en faveur du développement durable est prise en compte dans les contrats de partenariat à un triple niveau.

D’abord au niveau international:l’intégration du développement durable dans les politiques publiques est une initiative mondiale adoptée à l’issue de la conférence de Rio sur l’environnement et le développement durable de 1992.L’agenda 21 indique que « les gouvernements devraient faire le point de la situation à l’échelle nationale et améliorer au besoin leurs processus décisionnels afin d’intégrer pleinement les questions économiques, sociales et environnementales et d’assurer ainsi un développement qui soit à la fois réel du point de vue économique, équitable sur le plan social et écologiquement rationnel ».

Ensuite au niveau européen, l’article 6 TCE dispose que « les exigences de protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la communauté visées à l’article 3, en particulier afin de promouvoir le développement durable ».Cette disposition a été reprise par deux directives « marchés » du 31 mars 2004.1

Enfin au niveau français, les considérations environnementales ont été introduites par le décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics tandis que l’article 6 de la Charte de l’environnement dispose que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement,le développement économique et le progrès social ».2

Dès lors la promotion du développement durable fait partie des objectifs essentiels devant être poursuivis par les personnes publiques lorsqu’elles procèdent à leurs achats quel qu’en soit l’objet.

Cependant avec la crise économique mondiale, les États en général et la France en particulier peuvent-ils atteindre les objectifs du millénaire pour le développement(OMD)?

Face à la crise du financement, la France a mis en place une technique contractuelle, inspirée de la private finance initiative (PFI) anglaise permettant de recourir à un partenaire privé pour financer les projets publics: c’est le contrat de partenariat public-privé.

Le contrat de partenariat est «  un contrat de droit administratif par lequel l’État ou un établissement public de l’État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée de l’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet le financement, la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrage, d’équipements ou de biens matériels nécessaires au service public »3 La caractéristique de cette coopération le plus souvent à long terme, est le rôle dévolu au partenaire privé qui participe aux différentes phases du projet en cause(conception, exécution et exploitation), supporte des risques traditionnellement pris en charge par le partenaire public, et qui contribue au financement du projet..

Comment le pouvoir adjudicateur intègre t-il les considérations environnementales dans les PPP?
La loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat en apporte des précisions.

Après avoir étudié les conditions de la prise en compte des considérations environnementales dans les PPP dans une première partie, nous étudierons l’efficience du PPP en matière d’éclairage public et du contrat de performance énergétique(CPE), dans une seconde partie.

I – Les conditions de la prise en compte des considérations environnementales dans les PPP

L’article 2 de la loi du 28 juillet 2008 précise les conditions du recours au contrat de partenariat. Le PPP doit faire l’objet d’une évaluation préalable comportant une analyse comparative de différentes options , notamment en termes de coût global hors taxe, de partage de risques et de performances, ainsi qu’aux regards des préoccupations de développement durable.

A – Les objectifs environnementaux dans la définition des besoins de la personne publique
La prise en compte des objectifs environnementaux est à géométrie variable dans les PPP.

En premier lieu, une évaluation environnementale doit être faite dès la détermination des besoins de la personne publique.
L’article 8 de l’ordonnance du 17 juin 2004 relative au contrat de partenariat énumère certains aspects qui devront « nécessairement » être pris en compte dans les critères de choix de l’offre, parmi lesquels figurent les performances en matière de développement durable.En termes de performances, le PPP devrait s’avérer plus attractif que le marché public en ce qu’il permet de lier le montant de paiements à des objectifs de performance négociés entre les parties et mesurés par des indicateurs.

Pour les contrats de partenariat les critères environnementaux doivent faire l’objet d’une pondération.

En second lieu, aucune obligation ne pèse sur le pouvoir adjudicateur de prouver aux candidats qu’il a effectivement pris en compte ces éléments lorsqu’il a défini ses besoins. En revanche, il doit s’en justifier devant les organismes de contrôle du marché, par exemple dans le rapport de présentation de la procédure de passation de l’article 79 du code des marchés publics.

Finalement, la prise en compte des aspects environnementaux a envahi les contrats de partenariat comme celui des marchés publics.

B – l’intégration des préoccupations environnementales dans l’évaluation préalable des PPP
Elle est avant tout d’origine communautaire. La communication interprétative du 4 juillet 2001 porte sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d’intégrer des considérations environnementales dans les marchés publics. Ce texte propose que la protection de l’environnement puisse être prise en compte à chaque stade de la procédure de conclusion d’un marché public.

Mais c’est la jurisprudence communautaire qui a consacré la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics.

L’arrêt de la CJCE du 17 septembre 20024, confirmé par celui du 4 décembre 2003.5indique que les directives régissant la passation des marchés publics 92/50 et 93/36, depuis abrogées et remplacées par les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE, autorisent la prise en compte pour l’attribution d’un marché, des critères écologiques dès lors qu’ils sont liés à l’objet du marché.
Il faut rappeler à juste titre que les PPP sont soumis à la législation communautaire des marchés publics. A ce titre, ils doivent être soumis à la procédure d’appel d’offres.

Pour la CJCE, les critères environnementaux ne peuvent être pris en compte pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse que sous trois conditions: respecter les principes fondamentaux du droit communautaire et notamment le principe de non discrimination et d’égalité de traitement, être expressément mentionnés dans le cahier de charges ou dans l’avis de marché, et ne pas conférer au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnelle de choix.

Cette condition a été reprise à l’article 8-1 alinéa 3 de l’ordonnance du 17 juin 2004, codifié à l’article L1414-9-1 alinéa 3 CGCT, qui prévoit que les objectifs de performance, en particulier en matière de développement durable doivent être définis en fonction de l’objet du contrat.

Au cours des dernières années le phénomène du PPP s’est développé dans de nombreux domaines.

II – L’efficience du contrat de partenariat en matière d’éclairage public et du CPE

Les PPP connaissent un essor particulier dans les domaines de l’éclairage public et du contrat de performance énergétique.
A L’efficience du PPP en matière d’éclairage public

L’éclairage public constitue dans les budgets des collectivités locales, leur premier poste de dépense énergétique.
L’éclairage public est également au cœur des démarches de développement durable,car outre la consommation électrique que les collectivités doivent maîtriser, il est source de pollutions lumineuses ayant un impact direct sur l’environnement.6 Il suppose désormais une régulation planifiée, pour laquelle la gestion de la consommation reste liée à l’entretien.

La complexité croissante et le degré de technicité ont conduit de nombreuses collectivités à adopter des montages juridiques spécifiques tel que le contrat de partenariat.

Le CP en matière d’éclairage public constitue un outil efficient. Il s’agit de confier au titulaire plusieurs missions: la conception, la construction, la gestion avec fourniture de l’énergie nécessaire au fonctionnement des installations d’éclairage public et de ses installations annexes, la maintenance, l’entretien avec mise à disposition des illuminations festives, et le financement lié aux dites installations.

Le recours au PPP en matière d’éclairage public est bénéfique à un triple niveau pour les collectivités territoriales.
En effet, il permet la promotion de l’énergie renouvelable. La loi du 13 juillet 2005 dite loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) offre aux collectivités publiques la possibilité de mettre leurs bâtiments à disposition d’investisseurs privés pour l’installation et l’exploitation d’installations électriques utilisant les énergies renouvelables.

Le PPP permet de faire une évaluation des incidences du projet sur l’environnement.
Dans le cadre du contrat de partenariat, la personne publique est appelée à préciser les performances qu’elle attende de l’opérateur privé.

Le recours aux PPP permet à la fois une économie d’énergie mais également la fourniture d’énergie « verte ».
Ainsi, le syndicat d’agglomération de Senart-en-Essonne a conclu un contrat de partenariat de 15 ans présenté comme « entièrement dédié au développement durable » pour la reconstruction, la rénovation, la maintenance et la gestion de l’ensemble du système d’éclairage de plus de 2 500 points lumineux.Boulogne-Billancourt et Sèvres ont conclu la plus grosse opération d’éclairage public jamais réalisée en

France dans le cadre d’un partenariat public-privé de 20 ans portant sur 6200 points lumineux à Boulogne-Billancourt et 2800 à Sèvres. Ce PPP permettra une économie d’énergie de l’ordre de 38{0c55ce4f56589356e8fab2acd6abd0d1eef5abdd58877747509bcbe2ddc4769c}.

Enfin, il faut citer le PPP de Saint Fons qui a fait l’objet d’un avis n°2007-08 positif de la mission d’appui aux partenariats public-privé (MAPPP), portant sur la construction et l’exploitation de l’éclairage public.
B L’efficience du contrat de performance énergétique
Le contrat de performance énergétique (CPE) est un accord relatif à des prestations d’amélioration et d’économies d’énergie d’une structure.

Ses fondements juridiques sont d’ordre communautaire et national.

Au plan communautaire, la directive européenne 2006/32 CE du 5 avril 2006 qui vise à promouvoir les services énergétiques, a favorisé la mise en œuvre du PPP au sein desquels les collectivités territoriales peuvent imposer leurs priorités en matière d’économies d’énergie.

Au plan national, l’article 5 du projet de loi grenelle I dispose que « lorsque les conditions définies par l’ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat sont satisfaites, il peut être fait appel de façon privilégiée à des PPP pour réaliser des travaux de rénovation en matière d’économie d’énergie portant sur respectivement les 50 et 70 millions de m2 de surface de bâtiments de l’État et des principaux établissements publics ».

Cette disposition est une reprise de l’article 2 de la loi du 28 juillet 2008, s’agissant des personnes habilitées à recourir aux PPP.

A ce jour de nombreux CPE sont conclus par des collectivités territoriales et certains établissements d’enseignement public.

Ainsi,la ville de Tours a signé le premier CPE, en octobre 2007.L’université de Versailles Saint-Quentin-en -Yvelines a conclu un CPE ayant pour objet d’améliorer l’efficacité énergétique, et d’assurer l’exploitation et la maintenance de son parc immobilier.

Enfin, est en cours une expérimentation d’un CPE sur les lycées de la région d’Alsace.
Comme le disait Corinne Lepage, les PPP constituent un outil gagnant/gagnant à la fois pour le développement accéléré des programmes permettant d’améliorer l’efficacité énergétique et pour développer les politiques de développement durable.

Notes
1 Directives du Conseil et du Parlement 2004/17/CE portant coordination des procédures de passation de marché
dans le secteurs de l’eau , de l’énergie, des transports et services et 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux et de services du 31 mars 2004.

2 Charte de l’environnement 1er février 2005
3 Art. 1Er Loi n°2008-735 du 28 juillet 2008, codifiée à l’article L.1414-1 CGCT
4 CJCE, 17sept.2002, aff.C-513/99, Concordia Bus Finland Oy AB:Rec.CJCE 2002,I,p.7213
5 CJCE, 4 nov.2003,EVN AG Wienstrom(Autriche).
6 Philippe Blanquefort:Collectivités Territoriales et éclairage public, Revue Lamy Collectivités Territoriales-2008-n°34

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